La Première ministre Elisabeth Borne a appelé au compromis mercredi lors de son premier discours devant le nouveau Parlement français orageux où son gouvernement minoritaire aura besoin du soutien des partis d’opposition pour adopter une loi.
“Nous aborderons chaque projet de loi dans un esprit de dialogue, de compromis et d’ouverture”, a déclaré Borne aux députés alors qu’elle exposait les priorités politiques du gouvernement.
La femme de 61 ans a souvent dû pousser des cris et des chants depuis le sol, en particulier depuis les bancs de l’alliance de gauche NUPES, qui a appelé à un vote de défiance immédiat sur sa direction.
Après avoir rappelé son histoire familiale, notamment le passé de son père dans les camps de concentration nazis, et sa fierté de n’être que la deuxième femme française Premier ministre, elle a terminé en disant: “Nous réussirons à construire ensemble.”
La politique française a été plongée dans une période d’instabilité inhabituelle à la suite des élections législatives du mois dernier qui ont vu le parti au pouvoir du président récemment réélu Emmanuel Macron ne pas obtenir la majorité de 39 sièges.
Borne, une fonctionnaire discrète nommée à son poste en mai, devrait faire face à des négociations constantes pour trouver des majorités pour chaque projet de loi après avoir échoué à s’entendre sur un accord formel de coalition avec un groupe d’opposition.
Bien qu’elle ait été condamnée mercredi par le parti de gauche dure France Insoumise et le Rassemblement national d’extrême droite de Marine Le Pen, le parti crucial de droite Les Républicains a indiqué qu’il serait prêt à travailler avec elle sur la sécurité, l’immigration et les réductions d’impôts.
“Nous n’avons pas l’intention de tout paralyser à un moment où notre pays est déjà si loin derrière”, a déclaré le chef parlementaire du parti, Olivier Marleix. “Nous sommes prêts à voter pour tous les projets de loi qui contribuent à un renouveau national.”
Le soutien des 62 députés républicains suffirait pour que le gouvernement adopte des lois.
Elle a présenté des priorités immédiates qui devraient recueillir un large soutien, comme aider les familles à faible revenu à faire face à une crise du coût de la vie et débloquer des fonds supplémentaires pour le service de santé en difficulté.
Mais elle a également jeté son dévolu sur d’autres objectifs politiques annoncés par Macron lors de sa candidature réussie pour un second mandat en avril, notamment des plans visant à repousser l’âge légal de la retraite à 65 ans et la nationalisation complète du groupe électrique EDF contrôlé par l’État.
L’entreprise, actuellement détenue à 84% par l’État, devrait construire un parc de nouvelles centrales nucléaires, pilier clé de la volonté de la France en faveur de la neutralité carbone.
Jean-Luc Mélenchon, le leader de l’extrême gauche La France insoumise, a critiqué Borne comme dirigeant un gouvernement sans majorité et a déclaré qu’elle “n’offrait rien qui nous permettrait de trouver des compromis”.
Borne a déjà exclu de travailler avec son parti, ainsi qu’avec le Rassemblement national anti-immigration de Le Pen.
– Vote de défiance –
Sans alliés officiels à l’Assemblée nationale de 577 sièges, Borne a décidé de ne pas convoquer de vote de confiance sur son discours de politique générale — ce que presque tous les anciens premiers ministres ont fait après leurs premières apparitions à la Chambre basse.
La tenue d’un vote serait “trop risquée” car une défaite l’aurait contrainte à démissionner, a expliqué Bruno Cautres, chercheur à l’université Sciences Po à Paris.
La France insoumise, l’un des grands gagnants des élections législatives de juin, a déposé une motion de censure aux côtés de ses alliés socialistes, communistes et verts avant même qu’elle ne commence à s’exprimer.
“Sans vote de confiance, nous n’avons d’autre choix que de déposer cette motion de défiance”, peut-on lire dans le texte commun des groupes, selon des sources au Parlement.
“Cela ne passera probablement pas mais il est important de se faire entendre”, a déclaré la députée LFI Mathilde Panot à BFM television.
Borne sera constamment vulnérable à une motion de censure qui aurait besoin du soutien de la gauche dure, de l’extrême droite et des républicains de droite pour réussir.
– Épuisé? –
Deux mois seulement après avoir été réélu pour un second mandat historique, Macron a les mains en partie liées et sa capacité à faire passer des réformes a diminué.
Les médias français ont spéculé ces derniers jours sur son état d’esprit, certains rapports suggérant qu’il n’a pas encore rebondi mentalement après le revers parlementaire.
Un remaniement ministériel annoncé mardi n’a guère contribué à insuffler un nouvel élan à son gouvernement, car il n’a pas réussi à attirer de nouveaux gros frappeurs.
fraises-adp-tgb/har