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Sommet de Maurice

16 octobre 1993

Photo : sommet de Maurice (1993) - service photographique de la Présidence de la République  - tous droits réservés


Allocution de
M. François Mitterrand,
Président de la République,
lors de la séance d'ouverture
de la Vème conférence des chefs d'Etat
et de Gouvernement des pays
ayant en commun l'usage du français
- Institut Mahatma Gandhi (ile Maurice) -
Samedi 16 octobre 1993

Monsieur le Président,
Monsieur le secrétaire général,
Mesdames et messieurs,

Versailles, Québec, Dakar, le Palais de Chaillot à Paris et aujourd'hui Maurice, nous voici aujourd'hui réunis pour la cinquième fois en un peu de moins de huit années. Voilà déjà une occasion de se réjouir.

Le pays qui nous accueille, ici, très agréablement, nous en offre une seconde ; en effet ; cette ancienne "Isle de France" a su, depuis son indépendance, il y a 25 ans, je cite là son Premier ministre Sir Anerood Jugnauth "préserver jalousement au fil des années la langue et la culture françaises" en même temps qu'elle s'est approchée du modèle, des idéaux de la francophonie, un Etat de droit démocratique, pacifique, un pays prospère où règne l'harmonie raciale, un trait d'union entre l'Afrique francophone et sa voisine anglophone.

Je ne pratiquerai pas la nostalgie frileuse et cent fois ressassée du français perdu, même si, ici ou là, il est menacé.

Au contraire, je vous inviterai au combat pacifique (même si les termes jurent), au combat d'avant-garde que la France souhaite résolument engager avec la communauté francophone qui, elle, rassemble 47 nations souveraines, égales entre elles, libres de toute allégeance et représentant tous les continents, les races, les religions, les cultures et les civilisations. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais vous faire part pour en discuter avec vous aujourd'hui et demain de quelques propositions. La première visera à poursuivre notre marche vers le développement et la consolidation de la démocratie. La seconde consistera à défendre notre identité culturelle dans un espace d'échanges organisé. Troisièmement, il s'agira de mettre en oeuvre, en poussant un peu plus loin ce que nous avons engagé depuis plus de cinq ans, ce que j'appellerai "l'entente francophone".

La célébration d'une langue et d'une culture communes et d'une vision partagée autant qu'il est possible de la politique internationale n'auraient pas de sens si nous nous contentions de l'organiser comme une biennale au demeurant très sympathique et très utile ou simplement pour nous répandre en congratulations respectives, danger qui nous menace toujours.

La francophonie, c'est une vision du monde plus qu'un seul état d'esprit, une volonté organisée et pas seulement une sorte d'espace culturel. Nous engageons une forme nouvelle de solidarité. Il nous faut faire en sorte que lorsque nous parlons de solidarité francophone, cela ait un sens. Aujourd'hui il n'y a plus véritablement d'Est et d'Ouest mais il reste un Nord et un Sud et toujours autant d'inégalités et d'injustices. Dans ce monde déchiré par l'insécurité, le fanatisme, le racisme, le tribalisme, l'exclusion, faisons en sorte que la famille francophone affirme entre tous ses membres une solidarité exemplaire. C'est le sens de l'engagement de la France dans la bataille pour le développement aux côtés notamment des Etats d'Afrique si nombreux à ce cinquième sommet.

Je me souviens de vous avoir dit, il y a quelques années, qu'il convenait d'aller plus rapidement et plus résolument vers des formes modernes de démocratie et j'ajoutais, cela est devenu banal, qu'il n'y aurait pas de démocratie sans développement. Je vois bien les progrès de la démocratie, je vois moins les progrès du développement.

Nous avons progressé pour nous-mêmes depuis notre réunion de Versailles en 1986. La France a accru de 32 %, en termes réels son aide publique au développement. Nous avons effacé les dettes publiques des pays les moins avancés ; plus de 30 pays. Nous avons mis en place des mécanismes de traitement de la dette des pays africains à revenus intermédiaires, ceux pour lesquels il n'était rien prévu. Non seulement nous avons maintenu, mais nous avons augmenté notre effort au moment où la communauté internationale donnait l'impression de relâcher le sien au détriment de l'Afrique. Cela vous le savez tous.

Je vais aborder maintenant l'avenir. Il ne s'agit pas simplement de faire un bilan et d'en tirer tous les éléments positifs. Il en est qui sont négatifs mais je tiens à vous dire dès maintenant que la France continuera de privilégier l'Afrique, notamment francophone, dans sa politique d'aide au développement aussi bien dans son propre effort national que dans les instances multilatérales auxquelles elle appartient.

Je veux à cette occasion exprimer ma gratitude aux peuples et aux dirigeants d'Afrique pour les progrès enregistrés en 3 ans sur les progrès de la démocratie.

Le bilan est impressionnant bien qu'achevé dans certains cas et fragile partout. L'oeuvre est d'autant plus méritoire qu'elle a été engagée dans les conditions les plus difficiles, celles d'une récession économique sans précédent. Mais faisons attention à ce que ce "printemps politique de l'Afrique" ne dure qu'une saison. Faute de développement, je le répète, et de mieux être, de brusques retours en arrière risqueront de tout remettre en cause. Je n'ai pas beaucoup besoin d'insister pour vous en convaincre, vous qui m'entendez ici et qui vivez quotidiennement cette difficulté mais je tiens à le répéter pour ceux qui ne sont pas ici, qui m'entendront peut-être, qui continuent d'ignorer les besoins de ce vaste monde en difficulté et qui ont fait déjà passer aux profits et pertes le sort du continent africain.

Vous le savez bien la démocratie n'est pas une rente, il faut en consolider inlassablement les acquis tout en retrouvant la voie d'une croissance durable de vos économies.

Mon pays a renouvelé son engagement à aider tous ceux auxquels elle s'adresse et notamment les pays d'Afrique.

D'une part, pour renforcer les avancées de la démocratie dont je vous parle qui ne se réduit pas à une élection présidentielle ou législative même librement tenue. Il faut aussi l'enraciner dans le tissu social par exemple par la décentralisation et les élections locales et dans la vie publique par la transparence, la lutte contre la corruption, le respect des règles et des procédures de l'état de droit.

D'autre part, pour créer les bases d'une croissance durable ce qui exige un assainissement préalable des finances publiques afin de convaincre la communauté financière internationale de retrouver le chemin de l'investissement en Afrique. L'aide extérieure s'épuisera très vite à n'assurer que les fins de mois du trésor public et, pour sa part, la France souhaite vivement contribuer à vos projets de développement sans pouvoir bien entendu se substituer à l'ensemble de la communauté internationale. Mais cela dit, la France veillera avec détermination à ce que les bailleurs de fonds multilatéraux remplissent en retour leur mission comme ils l'ont fait, il faut le dire, dans certains pays avec succès, d'Amérique latine ou d'Asie.

Nous n'accepterons pas l'indifférence à l'encontre de l'Afrique et la réussite économique et commerciale de Maurice ne peut que nous encourager dans cette attitude.

Voyez dans cet exposé ce qu'il veut contenir. Je n'entends pas donner de leçons supplémentaires. Au travers de règles internationales qui sont souvent aveugles et sourdes, impitoyables, faites en réalité par les pays avancés industriellement pour assurer aussi leur pouvoir et leur influence, ont contraint trop souvent vos Etats à supporter des charges soudaines impossibles à tenir, qui vous exposent aux plus graves désordres sociaux. Mais il n'empêche qu'entre ces deux extrêmes, il convient d'accomplir les efforts nécessaires.

Si vous voulez bien, puisque c'est l'un de nos objets principaux, parlons un moment de culture. Je remarquerai une évidence : de nos jours la culture ne s'exprime pas seulement par la langue que nous pratiquons tous ici ou par l'écrit, et Dieu sait si Maurice nous a enrichi de grands écrivains multiples et dans tous les domaines, mais de plus en plus par l'image. Je pense que nous avons un devoir de vigilance quant aux modes de création puisque ces modes de création seront répercutés partout et influeront sur les esprits et les sensibilités. Mais le problème de la transmission de ces images commande pour beaucoup le chemin que prendra la civilisation. Je pense qu'il serait désastreux d'aider à la généralisation d'un modèle culturel unique et il faut y prendre garde. Ce que les régimes totalitaires finalement n'ont pas réussi à faire les lois de l'argent alliées aux forces des techniques vont-elles y parvenir ?

Les créations de l'esprit ne peuvent être assimilées à de simples marchandises, cela a été répété, martelé sur bien des tribunes par les représentants qualifiés du gouvernement français, ils ont eu raison de le faire, il faudra qu'ils continuent. Les activités culturelles ne sont pas du simple commerce, cela dit sans le moindre dédain pour ces activités. Aussi la France a décidé de ne pas accepter la proposition qui vise à inclure les activités culturelles dans le champ d'application du GATT et j'ai entendu avec un peu de peine la dernière déclaration d'un homme que je connais et que j'estime, le Président Clinton. On ne peut pas imposer - quelle que soit sa puissance - sa façon de penser ou de s'exprimer au reste du monde, et simplement par les moyens de la puissance de l'argent, faire que chacun pense les mêmes mots et fixe son devenir par les mêmes images.

Ce qui est en jeu, et donc en péril, je le dis aux francophones ici rassemblés, dans les négociations en cours, c'est le droit de chaque pays à forger son imaginaire, à transmettre aux générations futures la représentation de sa propre identité. Une société qui abandonnerait les moyens de se dépeindre elle-même serait rapidement une société asservie. Et je pense à ce qui a été accompli entre nous. Car, après tout, ce français dont nous parlons et que nous parlons, si la France a l'orgueil de penser qu'elle est à l'origine de son évolution, de sa richesse, de sa souplesse, il n'empêche que le français d'aujourd'hui depuis déjà plus d'un siècle est enrichi par tous les apports qui sont venus de vos pays. On ne peut pas dire : le français c'est la langue des Français. Le français, au travers des langues voisines et amie qui se sont entremêlées, et comment ne pas penser ici au créole, ce n'est plus du tout la seule propriété de la France : c'est la vôtre, c'est la nôtre ! Et quand nous défendons le français ce n'est pas simplement par un réflexe légitime, patriotique ou national, c'est surtout parce que nous avons le sentiment de défendre une forme de civilisation dont nous sommes comptables vous et nous.

Que l'on me comprenne bien : je ne prône pas un quelconque nationalisme culturel qui fermerait ses frontières aux autres cultures. Je viens de le dire : le pluralisme des cultures, c'est ce que nous faisons. Je pense même que nous offrons un exemple unique qui ferait bien d'être compris par d'autres. Ma conviction est que les seules règles du marché - je veux insister là-dessus - et de la concurrence ne permettent pas de réponde à toutes ces questions. Et je redoute que le déséquilibre qui existe - notamment sur le plan industriel et commercial, en raison de la puissance de quelques pays - ne nous amène peu à peu à connaître ici une position dominante et là des formes de soumissions qui ne seraient pas acceptables.

Dès les premiers accords culturels de 1947, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le principe d'exception des biens culturels a été reconnu. Alors pourquoi le remettre en cause aujourd'hui ? Ce serait un recul qui entraînerait le démantèlement des systèmes d'aide à la production cinématographique et audiovisuelle existants et dont nous devons encourager l'extension. L'application exclusive des règles du libre échange ne permettrait plus de maintenir, ni d'étendre, les accords de coopération et de coproduction passés entre plusieurs de nos pays qui ont permis, malgré le déséquilibre économique entre les pays francophones du Nord et ceux du Sud, l'émergence d'une production cinématographique de qualité ; au Maghreb et en Afrique. Plusieurs de vos pays ont produit de grands artistes qui ont enrichi la civilisation de l'humanité du XXe siècle. Est-ce que tout cela va disparaître ? Si la France elle-même qui représente, j'allais dire le dernier bastion avec une forte production des oeuvres de qualité, se sent menacée, elle l'est en fait. Que dira-t-on de tout ce que vous représentez, des moyens dont vous disposez pour faire valoir tout ce que vous êtes, le fond de votre personnalité, de votre âme nationale, de votre forme de culture ?

Nous avons, pour ce qui nous concerne, renforcé cette politique par la création lors du Sommet de Chaillot de la Fondation "Ecrans du Sud" qui a déjà aidé plusieurs dizaines de projets et aussi par l'extension progressive de TV5 à l'Afrique, à l'Amérique du Sud et je l'espère bientôt à l'Asie.

Vous savez que le Canada a obtenu une clause d'exception culturelle dans le Traité d'échanges nord américain qu'il vient de conclure avec les Etats-Unis d'Amérique et le Mexique. Tant mieux pour lui, cela doit nous servir d'exemple. Pourquoi ce qui est permis ici serait-il interdit ailleurs ? Et dans les négociations qui sont en cours, si nous voulons faire entendre notre différence, comment ne pas le faire ici alors que ce Sommet permet à 47 pays de faire valoir leur propre identité ?

La francophonie nous apprend à échanger. Regardez toutes ces nations que vous représentez, toutes les cultures qui sont les vôtres. Le français n'y est jamais seul ! Il coexiste avec beaucoup d'autres langues, d'autres références, d'autres mots, d'autres mondes. Ici avec l'arabe, là avec les langues africaines dans leur diversité extrême, avec l'anglais, avec le flamand, avec le vietnamien, le lao, le khmer, ailleurs avec les langues slaves ou latines et j'en oublie certainement. Il ne s'agit plus d'une langue de domination, mais d'une langue de coexistence. C'est l'histoire qui l'a voulu, et beaucoup de peuples en ont admis l'utilité. Je vous le dis de toute ma conviction. Il faut qu'ensemble nous préservions cet héritage et disions partout fermement que nos cultures ne sont pas à négocier.

De façon plus générale, le débat entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique sur le volet agricole du GATT mais aussi sur tous les sujets qui se posent pour le commerce mondial, tout ce qui capte à l'heure actuelle l'attention occulte souvent les raisons de la négociation et ce que le monde en attend. Car, si plus de cent pays négocient aujourd'hui ce que l'on appelle le "cycle d'Uruguay", c'est parce qu'ils espèrent que l'accroissement de la liberté du commerce et des échanges amènera une augmentation de la prospérité générale.

Pourquoi vais-je vous en parler en peu de mots ? Ce n'est pas le sujet essentiel de notre rencontre. C'est simplement parce que vous êtes là et nous aussi, Français et nous savons bien que, dans l'ensemble du monde, on s'inquiète des positions françaises comme si notre pays était l'obstacle à l'accord général. Bien des pays de ce que l'on appelait parfois très faussement le tiers monde aspirent à un accord rapide sans trop s'occuper de ce qu'il contiendrait.

Moi je m'en tiendrai simplement à quelques mots, à quelques règles en vous disant que ce que nous demandons, simplement, c'est la justice et l'égalité de traitement. On peut discuter de tout dès lors que l'on cherche à être juste. Il ne serait pas possible de consentir à un accord mondial qui comporterait des clauses léonines. Par exemple, on se met d'accord tous ensemble, on signe un traité et ce traité comporterait une clause non écrite mais réelle selon laquelle tel ou tel pays, lui, garderait la possibilité et le droit de s'abstraire de ses obligations et de considérer ses obligations et ses lois nationales comme supérieures à cet accord international.

Or mesdames et messieurs, c'est le cas. A tout moment le traité sera révocable par l'initiative d'un seul. C'est établir entre les Nations un type de relations proprement insupportable. Si je vous en parle c'est parce que l'inacceptable ne doit pas être accepté. Du moins faut-il que la négociation permette d'avancer de telle sorte que l'on trouve le chemin qui permettra à la justice et à l'équité de l'emporter sur les simples rapport de force.

Je n'entrerai donc pas dans le corps de ce débat. Simplement je veux que vous compreniez que la France souhaite un accord général. Elle est aussi sensible que les autres et elle en a autant besoin que les autres. C'est ce que l'on appelle une relance de l'économie mondiale. Elle veut vous y aider en s'aidant elle-même. Mais elle ne peut s'engager sur ce qui serait définitivement une inégalité de traitement. Elle doit préserver ses intérêts pas au-delà du vôtre mais elle est en droit de demander que ses intérêts soient aussi protégés par vous. Cela dit, dès que nous serons en mesure d'aboutir, alors, c'est vrai, la France y prendra pleinement sa part. Plus les échanges seront libres, mieux cela vaudra et nous sommes prêts à y participer.

J'avais annoncé un troisième point. C'est celui qui consiste à mettre en oeuvre au-delà de ces seuls aspects que je viens de traiter, culturel, économique, développement, démocratie, ce que je suis tenté d'appeler l'entente francophone, c'est-à-dire une capacité que s'accorderaient à eux-mêmes nos pays de dépasser ces problèmes déjà fort vastes, pour établir une relation qui sans reposer sur une absolue communauté de pensée, ce serait impossible, établirait une forme de relation, de concertation, de négociation, le cas échéant, sur les problèmes politiques et humains qui se posent à travers le monde, que nous puissions au moins en parler et que, dans les assemblées internationales, les francophones ne soient pas, entre eux, comme des étrangers à la disposition des influences multiples qui tentent de s'exercer sur eux. Le moment vraiment me semble venu de franchir un pas supplémentaire, d'enrichir la communauté de langue, de culture par des valeurs qui nous réuniront bien au-delà. Bien entendu, j'en suis conscient, nos pays n'ont pas sur toutes les questions, loin de là, de politique internationale, une identité de vue automatique bien que l'approche d'un certain nombre de problèmes, nous l'avons vécu notamment aux Nations unies, nous ait démontré que notre démarche est le plus souvent commune. La francophonie n'est pas seulement l'usage d'une langue, c'est une certaine vision du monde, une certaine exigence de solidarité. C'est pourquoi j'ai employé le terme d'entente, s'il faut en croire les dictionnaires, puisque par définition nous nous entendons, bref, nous nous comprenons spontanément dans l'ordre du langage ; pourquoi ne pas aussi tenter de nous accorder, de nous entendre, autant qu'il est possible bien entendu, et raisonnablement, dans l'ordre de la diplomatie.

Des initiatives ont été prises comme aux Nations Unies pour réunir de temps à autre des francophones pour qu'au moins ils sachent ce qu'ils pensent, ils peuvent se parler avec confiance et parfois contribuer à répondre de façon utile à quelques grands problèmes internationaux. D'abord je remarque, permettez-moi cette vérité d'évidence, mais enfin elle n'est pas négligeable, qu'aucune guerre, qu'aucun conflit n'opposent entre eux les pays présents à Maurice. On pourrait dire mais enfin c'est la moindre des choses.. Oui, mais nous avons vu tant d'autres choses que nous pourrions ne pas en être tout à fait étonnés.

Le recours à une même langue n'est pas sans doute une fin en soi mais l'enrichissement de ce dialogue peut être un instrument de compréhension et d'ouverture vers tout ce qui permettra de traiter en commun les problèmes mondiaux.

Enfin, ce que je souhaiterais concrètement proposer à votre réflexion tiendra en peu de mots : outre ce que nous faisons pour la défense et pour le développement de la place du français et de la francophonie veillons à préserver entre nous un lien permanent. Il existe déjà des organisations et des institutions qui travaillent, et qui travaillent bien même si on y débat et parfois autrement, mais sortons un peu de nous-mêmes et que la francophonie soit un de ces liens supérieurs qui permettront à ceux qui se réclament de notre langue commune, d'avoir une idée, une vision, une proposition sur les problèmes fondamentaux que l'on a à traiter et que M. le Secrétaire général des Nations Unies, qui nous fait l'honneur d'être ici présent, doit traiter chaque jour avec quelle difficulté.

Aucune obligation de résultat, dans ce que je vous indique là ne saurait s'imposer mais les expériences de la Conférence de la Terre à Rio l'an dernier, celle de Vienne cette année, récemment, à l'occasion de la Conférence des Nations unies pour les Droits de l'Homme sont des précédents encourageants. J'espère que l'on en parlera au cours des conversations d'aujourd'hui et de demain, j'espère que l'on fera ce pas en avant, en tous cas je vous le suggère.

Messieurs les Présidents, monsieur le Secrétaire général, Mesdames et Messieurs, je pense qu'il nous importe maintenant, ayant décidé de considérer le développement comme la clé de la démocratie, ayant au nom de la France répété que mon pays se tenait vraiment à la pointe des nations avancées qui tentent d'apporter le meilleur de leur aide au développement des pays moins favorisés et tous les chiffres le démontrent. On en revient toujours à cette comparaison des aides nationales et multinationales dans le cadre bilatéral ou multinational. Vous savez qu'une sorte de référence avait été fixée des 0,7 % du produit national qui devait être consacré à l'aide au développement. La France reste toujours le pays qui fournit le plus fort pourcentage, compte non tenu des territoires et départements qui relèvent de son autorité nationale pour parvenir - c'est encore trop faible certes mais la crise ne facilite pas une progression rapide - aux environs de 0,55%. Vous direz c'est bien peu mais quand vous observerez que le Canada fait un effort très sensible, comme la Belgique et l'Allemagne et quand vous considérez que les Etats-Unis et le Japon ne fournissent pas 0,25 %. Il suffirait que les mêmes obligations soient remplies de la même façon par chacun de ces pays pour que soit résolue une large part des problèmes économiques qui sont les vôtres.

La France, je l'ai dit tout à l'heure, a pris l'initiative des réductions et même du moratoire complet de la dette des pays pauvres. Une trentaine de pays ont vu leurs dettes publiques effacées aujourd'hui avec les pays à revenus intermédiaires, c'est une quarantaine de pays sur lesquels la France a renoncé à tout ce qui pouvait représenter pour elle une créance. Nous ne nous présentons pas comme une nation sacrifiée qui ferait des efforts qu'elle serait hors d'état d'assumer, je veux simplement dire que cette francophonie, qui nous réunit, nous a beaucoup appris et que ce siècle dans certains cas, plusieurs siècles dans d'autres, de compagnonnage avec d'autres pays sur la surface de la terre nous a permis sans doute de mieux comprendre et de mieux connaître vos besoins qui sont souvent les nôtres. Restons unis, mesdames et messieurs, persévérons, rencontrons nous comme cela rituellement au moins tous les deux ans pour parfaire notre réflexion.

Nous avons tellement à faire et nous devons souvent lutter pour la défense de nos droits élémentaires et le premier droit est celui de l'identité, nous avons tant à lutter et tant à proposer qu'il nous semblerait être devenu soudain très pauvres et très démunis, nous Français, si vous n'étiez pas là ! Vous à nos côtés, nous auprès de vous ! Alors continuons, réussissons, Mesdames et messieurs et travaillons.

RESOLUTION ADOPTEE SUR L'EXCEPTION CULTURELLE AU GATT

Les chefs d'Etat, de gouvernement et de délégation des pays ayant en commun l'usage du français

Désireux d'encourager la vitalité de l'expression artistique des cultures nationales et régionales présentes dans chacun de leurs Etats,

Reconnaissant le rôle de l'Etat, des gouvernement et des collectivités publiques et territoriales dans la promotion, la protection et le rayonnement des industries culturelles nationales et régionales à l'intérieur de leur pays respectif mais aussi au niveau international

Soucieux de permettre aux créations de l'espace francophone de circuler largement entre leurs Etats respectifs, comme porteurs des expressions communes et des identités diversifiées

Se référant à la clause d'exception culturelle telle qu'elle est reconnue au sein de l'Accord du libre échange nord-américain (ALENA)

Conviennent d'adopter ensemble, au sein du GATT, la même exception culturelle pour toutes les industries culturelles, cette disposition constituant un moyen efficace pour maintenir une forte production culturelle francophone.